Les recherches océanographiques, dans le domaine du vivant en particulier, ont longtemps ignoré ou sous-estimé la composante géographique ou spatiale. Ceci pour plusieurs raisons : le domaine d’étude est immense, opaque pour l’œil humain et pendant longtemps seule les observations à l’aide d’un moyen de déplacement lent et coûteux (le bateau de recherche) étaient disponibles. De plus les moyens de représentation et d’analyse spatiale étaient peu développés. Cette situation a changé de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies avec les avancées suivantes :
- Les satellites nous permettent maintenant d’observer la surface de la mer sur de très grandes étendues et de façon quasi instantanée. On peut en déduire non seulement la température de surface, mais aussi des indications sur la richesse en phytoplancton (couleur de l’eau), la circulation (hauteur de l’eau ou altimétrie) et l’intensité des vents de surface (scattérométrie).
- La mise à contribution des navires marchands pour la prise de mesures en mer (profils de température et de densité pour le moins) c’est accentuée au point que les bases de données couvrent pratiquement toute la planète, même si les grandes routes de navigation restent les mieux échantillonnées.
- Des mouillages fixes et engins dérivants (certains faisant le «yoyo » pour échantillonner dans le plan vertical) transmettent en permanence leur données à des satellites, lesquels les renvoient vers les centres de recherche.
- La technologie satellitale permet également d’équiper les bateaux de pêche commerciale du système VMS ou Vessel Monitoring System. Ainsi on pourra reconstituer la trajectoire du bateau et en déduire ses zones de pêche.
- Certains animaux bénéficient aussi de cette technique lorsqu’ils sont équipés de capteurs-enregistreurs permettrant de connaître leur position géographique, laquelle est transmise par satellite. Ceci peut avoir lieu à n’importe quel moment pour les oiseaux marins. Pour les mammifères marins c’est uniquement lorsqu'ils font surface pour respirer ou lorsqu'ils se trouvent à terre dans les colonies (phoques, otaries). A partir des données ainsi récoltées et retransmises par satellite, les chercheurs peuvent suivre les déplacements des animaux, connaître leur zones d'alimentation, la profondeur de leurs plongées et quantifier les interactions avec les pêcheries. Lorsque la position des bateaux est également suivie par satellite (VMS) on peut alors suivre en parallèle les déplacements des animaux et des bateaux.
- Les bateaux de recherche moderne sont dotés d’instruments acoustiques permettant d’échantillonner de grand volume d’eau, non seulement au-dessous du bateau (sondeur vertical) mais aussi autour de lui (sonar latéral ou omni-directionnel). Certains de ces instruments permettent de connaître la topographie du fond, d’autres la distribution des poissons et dernièrement celle du zooplancton. Des bouées fixes ou dérivantes sont maintenant équipées de tels appareils.
- Les progrès informatiques permettent de nos jours de modéliser la circulation et la productivité des océans en trois dimensions. Certains de ces modèles sont même capables d’assimiler une partie des données présentées ci-dessus pour améliorer leur capacité de prédiction en temps quasi réel (océanographie opérationnelle). Ces modèles sont à la fois des outils de simulation et d'expérimentation qui permettent d'établir les équilibres hydrodynamiques, de tester des hypothèses scientifiques, d'explorer le champ des possibles et enfin d'étudier des scenarios climatiques.
- D’autre types de modèles simulent le déplacement passif ou actif des organismes, en couplant (ou non) les modèles physiques décrits ci-dessus à des modèles biologiques.
- L’informatique permet également la représentation graphique et dynamique des données d’origines diverses ainsi que leur analyse spatialisée à l’aide des systèmes d’information géographique (SIG). Ainsi on pourra représenter et étudier de façon spatialisée les liens entre les différentes composantes de l’écosystème : facteur physiques, plancton, poissons, oiseaux, mammifères et pêcheurs.