L'argot des prépas...
(D'après un article de Claude Duneton paru dans Science & vie junior en juillet 1998)
Vous serez d’abord un bizuth (ou une bizuthe) - le mot est repéré à Saint-Cyr, école supérieure des officiers, dès 1843. Il s’écrivait alors bisut, mais on connaît mal son origine : peut-être d’un mot genevois, bésu, " niais " (au sens " neuf ") donnant bésule, " élève nouveau ". Cela étant, le passage du terme de Genève à Saint-Cyr, près de Paris, s’explique mal !
Selon que vous serez en maths sup ou en lettres, vous serez respectivement en taupe ou en khâgne. La taupe est la réunion (depuis 1889) des taupins... Un taupin est un élève en préparation à Polytechnique, Centrale et Normale Sup sciences, depuis les années 1840. Pourquoi taupin ? Vraisemblablement parce qu’il travaille avec acharnement, aveuglément, comme font les taupes sous terre. D’autres ont dit : " parce que ces élèves devenaient myopes comme des taupes à force de se fatiguer les yeux ! " La fille est une taupine (1912).
La khâgne, elle, possède une orthographe volontairement pédante, évoquant un terme grec, ou hindou, ou Dieu sait quoi de savant, alors qu’il s’agit seulement de cagne (1888), l’endroit ou étudient les cagneux (même date) devenus khâgneux au début de ce siècle. L’appellation est, au début, une moquerie de la part des taupins, qui se croyaient supérieurs et considéraient les élèves de lettres comme étant un peu " tordus ", comme qui dirait " mal foutus " (cagneux, aux jambes torses). Charmant ! Ce n’est que dans la période dite " l’entre-deux-guerres " (1919-1939) que sont apparues les dénominations particulières aux premières années de ces filières : hypokhâgne (1923), c’est-à-dire " sous la khâgne " (comme l’hypoderme est sous le derme), et l’hypotaupe (1938).
AUTRE ORTHOGRAPHE FANTAISISTE et pseudosavante : une khôlle (sur le modèle de " khâghe "), qui désigne une interrogation ou un examen " blanc " d’entraînement. Il s’agit en réalité d’une colle (1844 à Polytechnique, 1855 à Saint-Cyr, 1858 dans les lycées). Pourquoi une colle ? Eh bien, selon le sens du mot en 1900 : " Examen préparatoire, appelé ainsi parce que le colleur cherche à coller, c’est-à-dire à embarrasser l’élève. " En quelque sorte, si on nous pose une colle, on sèche.
Enfin, vous apprendrez qu’en khâgne comme en taupe, les salles de classe s’appellent des turnes, ou encore thurnes pour faire chic. Là, aucun problème : la turne est, en argot courant, une maison, un logis quelconque. Le mot a désigné une chambre d’élève à Normale sup dès 1882, puis une salle d’étude en 1937.
Voici ce qu'on trouve dans le "Littré" (de 1872) à propos des taupins
1° Nom qu'on donnait à un corps de milice française sous Charles VII. Les francs Taupins (avec un T majuscule).
Nom qu'on donnait autrefois aux pionniers des armées, aux mineurs.
2° Dans l'argot des lycées, élève en mathématiques spéciales (aspirant à l'École polytechnique, à l'École normale, à l'École centrale).
(D'après un article de Claude Duneton paru dans Science & vie junior en juillet 1998)
Vous serez d’abord un bizuth (ou une bizuthe) - le mot est repéré à Saint-Cyr, école supérieure des officiers, dès 1843. Il s’écrivait alors bisut, mais on connaît mal son origine : peut-être d’un mot genevois, bésu, " niais " (au sens " neuf ") donnant bésule, " élève nouveau ". Cela étant, le passage du terme de Genève à Saint-Cyr, près de Paris, s’explique mal !
Selon que vous serez en maths sup ou en lettres, vous serez respectivement en taupe ou en khâgne. La taupe est la réunion (depuis 1889) des taupins... Un taupin est un élève en préparation à Polytechnique, Centrale et Normale Sup sciences, depuis les années 1840. Pourquoi taupin ? Vraisemblablement parce qu’il travaille avec acharnement, aveuglément, comme font les taupes sous terre. D’autres ont dit : " parce que ces élèves devenaient myopes comme des taupes à force de se fatiguer les yeux ! " La fille est une taupine (1912).
La khâgne, elle, possède une orthographe volontairement pédante, évoquant un terme grec, ou hindou, ou Dieu sait quoi de savant, alors qu’il s’agit seulement de cagne (1888), l’endroit ou étudient les cagneux (même date) devenus khâgneux au début de ce siècle. L’appellation est, au début, une moquerie de la part des taupins, qui se croyaient supérieurs et considéraient les élèves de lettres comme étant un peu " tordus ", comme qui dirait " mal foutus " (cagneux, aux jambes torses). Charmant ! Ce n’est que dans la période dite " l’entre-deux-guerres " (1919-1939) que sont apparues les dénominations particulières aux premières années de ces filières : hypokhâgne (1923), c’est-à-dire " sous la khâgne " (comme l’hypoderme est sous le derme), et l’hypotaupe (1938).
AUTRE ORTHOGRAPHE FANTAISISTE et pseudosavante : une khôlle (sur le modèle de " khâghe "), qui désigne une interrogation ou un examen " blanc " d’entraînement. Il s’agit en réalité d’une colle (1844 à Polytechnique, 1855 à Saint-Cyr, 1858 dans les lycées). Pourquoi une colle ? Eh bien, selon le sens du mot en 1900 : " Examen préparatoire, appelé ainsi parce que le colleur cherche à coller, c’est-à-dire à embarrasser l’élève. " En quelque sorte, si on nous pose une colle, on sèche.
Enfin, vous apprendrez qu’en khâgne comme en taupe, les salles de classe s’appellent des turnes, ou encore thurnes pour faire chic. Là, aucun problème : la turne est, en argot courant, une maison, un logis quelconque. Le mot a désigné une chambre d’élève à Normale sup dès 1882, puis une salle d’étude en 1937.
Voici ce qu'on trouve dans le "Littré" (de 1872) à propos des taupins
1° Nom qu'on donnait à un corps de milice française sous Charles VII. Les francs Taupins (avec un T majuscule).
Nom qu'on donnait autrefois aux pionniers des armées, aux mineurs.
2° Dans l'argot des lycées, élève en mathématiques spéciales (aspirant à l'École polytechnique, à l'École normale, à l'École centrale).